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Ce qui importe dans Sous les Jupes De La Terre, c'est tout ce qui ne se dit pas. Qui est passé avant ? Sans doute personne. Au moins depuis quelques milliers d'années. C'est un livre-confession, des sensations déplacées, des délires qui sont partagés l'espace d'un instant. Les photos montrent les beautés, les textes décalent le propos.
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Le monde des spéléos tient enfin un ouvrage révélateur. Il ne s'agit pas ici de topographie ou d'Histoire, mais d'histoires et de traces.
Les Pyrénées centrales sont l'une des zones importantes pour les cavités. Le massif regorge de gouffres, puits, grottes et réseaux. Si certaines sont fermées pour protéger leurs ornements rupestres – la grotte de Marsoulas –, si d'autres sont ouvertes au public comme les Grotte de Niaux, du Mas d'Azil, de Gargas, il existe des souterrains réservés aux adeptes de la spéléologie. Bien accompagné par un club référencé, on arpentera ainsi quelques parties du vaste réseau Félix Trombe - Henne Morte.
Cependant, dans ce livre, ce qui est abordé, c'est la spéléologie de découvertes. Même si c'est encore un sport avec son appareillage, ses techniques et son vocabulaire, ce qui importe dans Sous les Jupes De La Terre, c'est tout ce qui habituellement ne se dit pas. Il y a là de la clandestinité et de l'irrévérence, à l'instar du frisson des cataphiles urbains. Sauf que, sous la roche, c'est une autre aventure. Qui est passé avant ? Sans doute personne. Au moins depuis quelques milliers d'années. Même l'eau a reflué laissant un vide à explorer.
C'est un livre-confession de l'intime, des sentiments, des vertiges, des sensations déplacées, des délires qui sont enfin partagés l'espace d'un instant. Les photos montrent les beautés, les textes décalent le propos. Il est finalement peu question de l'ivresse de la découverte. C'est autre chose : c'est soi face au silence, à la fraîcheur, à ces bouts d'éternité, à ces concrétions.
La technique récente de Bruno Wagner, photographe, vise à jouer de la symétrie. Les explosions en tests de Rorschach libèrent des visions de bêtes minérales, de feu d'artifice, de gouttes d'eau, de visages bloqués dans des roches. Haut et bas s'inversent, les tableaux doubles jouent aux sept erreurs, la symétrie parfois décalée oblige à prendre le temps de comprendre ou de se laisser aller à l'hypnose, au vertige du double qui n'en est pas un.
Une galerie dépucelée enferme une saveur : celle d'être les premiers à avoir accès et à voir. Pourtant, le premier récit réserve une autre surprise : quand, après avoir élargi une voie, le groupe se retrouve dans le couloir d'une mine abandonnée d'Ariège ! C'est alors l'occasion de créer des superpositions d'images. Sur les parois, on distingue soudain les portraits de mineurs, de leurs chevaux, de leurs wagons. Fantômes d'ouvriers.
Les visages photographiés des compagnons spéléologues sont souvent tendus, guettant ce qui peut surgir... ou bien voyant déjà. Des jeux de lumière font émerger des crânes aux orbites géantes. Les joies soudaines éclatent et les jeux se succèdent, irrévérencieux : sculptures de glaise anachroniques, punk à crête et grenouille adulée telle une divinité lovecraftienne. Les rites païens sont des dépravations et des bizutages continuels, mettant en scène des canards en plastique, mascottes du club.
Ce livre réussit l'exploit de ne pas être simplement un beau livre de photographies. Les textes qui accompagnent les images, disséminés, sont des évocations stylistiques de haute volée. Délires lacaniens, référencements incessants de contre-culture, ode au génie de Lewis Carroll qui avait saisi subrepticement que tout se joue sous terre, hommages aux rêves éveillés de Little Nemo, ils sont une porte à peine entrebâillée sur un univers de secrets et de connivences. Le badinage est fin et lettré, c'est une pause émerveillée qui dure plus de temps que prévu, un passage vers les découvertes et les voyages intérieurs.
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